Stigmergie
Étymologie
Le terme Stigmergie est composé de deux mots grecs, traces et travail. Venant de στιγμα (stigma) «marque, signe» et ἔργον (ergon) «travail, action». Il a été créé par Pierre-Paul Grassé en 1959.
Définition
La stigmergie est une méthode de communication indirecte dans un environnement émergent auto-organisé, où les individus communiquent entre eux en modifiant leur environnement.
Le principe de base de la stigmergie repose sur les actions individuelles des membres d'un groupe, qui laissent des traces (stigmates) dans leur environnement. Ces traces peuvent être physiques, chimiques, ou numériques, et elles sont utilisées par d'autres membres du groupe pour orienter leurs propres comportements. En d'autres termes, un individu effectue une action, laissant une marque ou un signal qui influence le comportement des autres individus sans qu'il soit nécessaire d'avoir une communication directe.
La stigmergie est souvent utilisée pour expliquer des phénomènes de coopération et d'auto-organisation au sein de groupes d'individus, que ce soit dans le règne animal, le monde des insectes, ou même dans des systèmes informatiques et des réseaux de communication où des agents autonomes réagissent les uns aux actions des autres en fonction des signaux laissés dans leur environnement.
Ce concept a également été appliqué dans des domaines tels que l'informatique, la robotique et l'ingénierie, pour concevoir des systèmes distribués et des algorithmes inspirés du comportement stigmergique des insectes afin d'optimiser la coordination et la collaboration au sein de groupes d'agents autonomes.[1]
Histoire
Le terme fut introduit par le biologiste français Pierre-Paul Grassé en 1959, en référence au comportement des termites. Il le définit comme la « stimulation des travailleurs par l'œuvre qu'ils réalisent ».[2]
La stigmergie a d'abord été observée dans la nature – les fourmis communiquent en déposant des phéromones derrière elles, pour que d'autres fourmis puissent suivre la piste jusqu'à la nourriture ou la colonie suivant les besoins, ce qui constitue un système stigmergique.
Les études qui portent sur la stigmergie, ou qui l'exploitent pour le développement et la compréhension d'autres objets – comme la cognition sociale, les communs créatifs ou les systèmes adaptatifs complexes par exemple, connaissent un essor extraordinaire depuis la fin des années 1990, essor frappé d'un caractère encore très exploratoire, puisqu'il n'en existe pas à ce jour de théorie unifiée, cohérente et consensuelle. Elle avait pourtant un sens très précis et une valeur épistémique bien établie dans les travaux de son créateur : Pierre-Paul Grassé. Il invente le terme en 1959 dans le cadre d'une étude sur l'activité constructrice de certains termites pour donner une réponse au problème suivant : « Comment les tâches individuelles se coordonnent-elles donc pour aboutir à une œuvre cohérente, unitaire et approximativement constante, dans sa forme et dans son volume ? ». Il propose cette idée : « La coordination des tâches, la régulation des constructions ne dépendent plus directement des ouvriers, mais des constructions elles-mêmes. L'ouvrier ne dirige pas son travail, il est guidé par lui.[3]
Chez les insectes
Des systèmes stigmergiques sont visibles parmi toutes les espèces eusociales. Les fourmis communiquent en déposant des phéromones à leur suite, pour que d'autres puissent suivre la piste jusqu'à la nourriture ou la colonie suivant les besoins. Les termites utilisent des phéromones pour construire de grandes et complexes structures de terre à l'aide d'une simple règle décentralisée. Chacun ramasse un peu de boue autour de lui, y incorporant des phéromones, et la dépose par terre. Comme ils sont attirés par l'odeur, ils déposent plus souvent leur paquet là où d'autres l'ont déjà déposé, ce qui forme des piliers, des arches, des tunnels et des chambres.[4]
Chez les humains
Aujourd'hui, ce terme est également utilisé pour désigner le mécanisme d'intelligence collective, qui aboutit à des réalisations issues d'un réseau social[4]
La théoricienne Heather Marsh a écrit un article remarquable sur l’application de principes issus de la stigmergie à la collaboration dans des grands groupes et comme une méthode de gouvernance alternative à mi-chemin entre les organisations fonctionnant sur un modèle de compétition celles fonctionnant sur un modèle de coopération.[5]