Mal des transports: Nausée à bord d’un corbillard.

S’il aura passé sa vie au volant de Renault 8 Gordini, BMW M3, ou autres bombinettes et mythes de l’histoire automobile, il aura été conduit en sa dernière demeure à l’arrière d’un corbillard Citroën Jumpy d’un gris blafard, dont les courbes étaient soulignées par un liseré violet chagrin. J’ai vomi.

Citroën Jumpy dessin

À quand remonte l’instant crucial? Celui où le dernier destrier d’une vie, avec sa triste allure, grave et majestueuse nous obligeait à une solennelle obédience dans un cortège aux regards humides et perdus; s’est transformé en cam’tar de livraison express dont l’objectif morbide étant l’efficience du dernier kilomètre.

voiture corbillard dessin

Une bref histoire du corbillard

Il faut d’abord savoir que les corbillards n’ont pas toujours transporté les morts. Au Moyen Âge, ce sont des bateaux qui font la navette entre Paris et Corbeil. Au cours de l’épidémie de la Peste Noire qui frappa l’Europe au XIVe siècle, ces bateaux servirent alors à évacuer les morts. Le terme resta, l’usage aussi. Des derniers sacrements à la dernière demeure, il y a donc le dernier voyage. Celui-ci s’est toujours effectué dans une logique de respect, de dignité humaine, de volonté d’hommage des terriens à leur semblable qui venait de la quitter. Si bien que la plupart des rituels n’autorisèrent que l’usage de la force humaine pour le déplacement des corps. L’emploi d’autre moyen de traction comme l’attelage du cheval attendra le XVIIIe siècle, celui de la motorisation à essence, le XXe siècle.

Le carrosse de Louis XVIII, la Cadillac d’Elvis et le Jumpy de mon grand-père.

L’apparence du corbillard ne suit pas de règles invariables, ne serait-ce que l’aménagement adéquate pour venir y loger un cercueil. Sa taille et son opulence, pourtant, varient, selon les communes, les paroisses, l’importance du rite funéraire et du défunt. Un roi, comme le dernier monarque français, Louis XVIII, sera conduit en la Basilique de Saint Denis dans un carrosse noir en bois sculpté et doré d’or blanc, avec des anges cariatides porteurs de palmes, symboles de l’espérance de la résurrection. Et le Jumpy de mon grand-père. Un roi, comme le seul « King of Rock », Elvis, sera lui installé dans corbillard blanc qui ouvre la route sous les applaudissements et les larmes, suivi de 16 Cadillac blanches, et 100 camions pour transporter toutes les
fleurs du Comté de Shelby. Et le Jumpy de mon grand-père.

Touche pas au grizbi

Avec plus de 500.000 décès par an, le business de la mort se porte très bien en France, en témoigne une croissance en valeur de plus de 50% sur 15 ans. Le secteur pèse aujourd’hui 3 milliard d’euros. Une sacré usine à gaz, une mécanique de mieux en mieux huilée qui s’intègre parfaitement aux logiques
industrielles de rendement et d’efficacité des coûts. Et un corbillard ça coute cher. En moyenne 80.000€ pour être roulé en Mercedes, Cadillac ou Maserati. Alors dans le secteur des pompes funèbres, on innove, on est malin. On appelle Gruau et on demande une transformation d’un véhicule utilitaire de série, comme un poissonnier commande une camionnette réfrigérée. Ça coute moins cher. Mais pas question de faire l’impasse sur le style ! Finition Premium s’il vous plait ! Peinture Métallisée, jantes alliage 17’’, Sérigraphie et Vitres teintées. En fait les gens n’auront pas à coeur de gueuler, ils ont d’autres chats à fouetter. Et bien pas moi ! Alors pour toi, Paddy j’aurai choisi une icône, un mythe comme dernier hommage à celui que tu étais: une Chevrolet Caprice de 1976. V8. 4,3 litres. 270 chevaux. Alors là, tu l’entends le cri du cygne ? Le vacarme avant le calme. Eternel.

Maxence étudiant de l’Institut D.